De nombreux combattants célèbres ont été les élèves du dojo de la branche de Kyoto, dirigé par Koichi Kawabata. On y retrouve, entre autres, Hiroyuki Miake, Yasuhiro Kuwajima, Yoshikazu Koi, Shin Ito ou encore Yoshiaki Uchida. Récemment, les deux frères Ohata semblent bien partis pour prendre la relève. En effet, Reiji Ohata et Ryoji Ohata ont respectivement remporté les tournois Open de l’Ouest et de l’Est du Japon, en août et septembre 2022. Puis, en novembre 2022, Ryoji Ohata a même terminé sur le podium (troisième) lors du 54ème championnat Open du Japon. De beaux résultats pour les frères jumeaux seulement âgés de 21 ans, obtenus grâce à leur entraînement tout particulier, que nous vous présentons ci-dessous.
L’entraînement démarre directement par 1000 jumping squats. Il s’agit là en fait d’un échauffement avant l’entraînement. Pour Kawabata, il s’agit toutefois d’un processus très important, permettant de « travailler idéalement l’endurance, ainsi que la force musculaire pour les coups de pied. Un championnat Open nécessite de gagner sept combats, du premier tour jusqu’à la finale. Pour peu qu’il y ait des prolongations, le temps des combats s’allonge d’autant. La force des jambes et du dos que l’on peut développer grâce aux jumping squats est donc essentielle pour les combats de Kyokushin. » Le Shihan précise qu’« au début, ils faisaient 10 séries de 20 répétitions, trois fois par semaine. La semaine suivante, ils sont passés à 23 répétitions, et ainsi de suite pendant une année, pour arriver à 1000 répétitions. » Les frères Ohata exécutent donc maintenant 1000 jumping squats, en 10 séries de 100, à leur rythme, mais en prêtant une attention particulière à la qualité. Une bonne exécution consiste à « cambrer le dos pour sortir les pectoraux, et sauter suffisamment haut pour pouvoir allonger les pointes de pied », selon Kawabata. Cela permet notamment de renforcer l’explosivité du corps et ainsi la puissance des coups de poing et des coups de pied. Par ailleurs, « le renforcement musculaire est indispensable à la prévention des blessures. Je souhaite que mes disciples puissent continuer le karaté pendant longtemps, et c’est pour ça que je crois qu’il leur faut tout d’abord construire une base physique solide, avant d’apprendre les techniques et le combat. Ma méthode d’entraînement est simple, mais je veux qu’ils construisent un corps et un esprit forts durant ce processus. »
Ryoji Ohata abonde dans ce sens, déclarant que « les jumping squats sont similaires à la sensation des combats : cela devient de plus en plus difficile à mesure que j’en fais, mais je les fais afin de savoir jusqu’où je suis capable d’aller. J’imagine qu’une série de 100 squats correspond à un combat. »
L’entraînement se poursuit avec les frappes aux paos. La spécificité ici consiste à ne pas faire des enchaînements, comme c’est souvent le cas, mais au contraire à se mettre en position pour frapper le plus fort possible, en un coup unique. En un sens, ce n’est pas sans rappeler le travail au makiwara du karaté traditionnel. Là encore, Kawabata s’appuie sur une logique tout à fait pratique : « Les combats de Kyokushin se font à mains nues, il faut donc se construire un corps capable de frapper à mains nues du premier tour jusqu’à la finale, sans se blesser. Cet entraînement sert à utiliser tout son corps pour frapper tout en gardant une position stable et en renforçant les os. » Après plusieurs séries effectuées à tour de rôle, les jumeaux commencent à augmenter le nombre de coups portés, passant d’un coup unique à deux, puis trois coups, pour finir avec les coups de pied. Là encore, l’importance est placée sur la puissance de chaque coup porté, l’un après l’autre.
Ma méthode d’entraînement est simple, mais je veux qu’ils construisent un corps et un esprit forts durant ce processus.
Koichi Kawabata
Pour autant, les frères Ohata ne délaissent pas le travail des enchaînements et les combinaisons entre chaque technique. Reiji Ohata explique ainsi qu’il a « commencé à s’entraîner aux enchaînements poings/pieds après [s]a défaite contre Koinosuke Ishizaki lors du 53ème championnat Open du Japon d’avril 2022. Deux mois plus tard, lors du championnat par catégories de poids du Japon, [il] n’avai[t] pas pu riposter, restant figé, face au rush imposé par Kenta Nanbara. C’est pourquoi [il] veu[t] s’améliorer [sur ces points-là]. » Son frère Ryoji le rejoint à ce sujet : « Même si vous avez la force de porter un seul coup, s’il est bloqué et que vous ne pouvez pas enchaîner, vous perdez le momentum. J’ai donc commencé à m’entraîner cette année dans le but de non seulement faire mal, mais aussi de pouvoir mettre mes adversaires K.O., et j’aimerais ainsi continuer à augmenter le nombre des différentes variations [d’enchaînements]. »
Enfin, l’entraînement se termine par des combats (kumite). Là aussi, il y a une particularité : les deux frères se tiennent en position de combat, mais doivent se saisir des mains de leur adversaire, afin de pousser ou de tirer et ensuite frapper en gedan mawashigeri dans des positions de déséquilibre. Kawabata explique l’intérêt de cet exercice : « Cela fait un an environ que nous faisons cet entraînement. Il permet d’améliorer ses sensations d’attaque et de défense, en contrôlant la distance avec son adversaire, en gardant les mains en hauteur, tout en ressentant les déplacements du centre de gravité de l’adversaire, en jouant là-dessus pour le déséquilibrer. En ce moment nous travaillons sur l’enchaînement des techniques en complexifiant l’exercice, car on y a incorporé les maegeri et gedan mawashigeri, ainsi que divers coups de poing. » Ryoji confirme que cet entraînement a été bénéfique : « Il y a quelques années, je ne pouvais frapper que des coups uniques, mais en faisant cet entraînement j’ai réussi à enchaîner diverses techniques plus facilement. »
Peut-être pas lors du prochain championnat du Monde, mais je suis sûr qu[e les frères Ohata] finiront par laisser leur nom dans l’histoire du Kyokushin.
Koichi Kawabata
L’entraînement du jour se termine ainsi et Kawabata en profite pour conclure : « Lorsque nous avons ouvert le dojo à Kyoto, j’ai enseigné à mes élèves les méthodes d’entraînement utilisées à mon époque au sohonbu [NDLR : le dojo central du Kyokushin, situé à Tokyo]. En guise d’échauffement, nous faisions 1000 jumping squats, 1000 pompes, etc. […] Je ne suis pas aussi difficile envers les frères Ohata, en comparaison de cette époque, mais j’ai l’intention de les entraîner de manière stricte, afin qu’ils obtiennent de bons résultats, avec le championnat du Monde [2023] en ligne de mire. Ils pourraient faire 3000 jumping squats si je les obligeais à le faire, mais il est important qu’ils le fassent de leur propre initiative, car cela leur apportera de meilleurs résultats. Par rapport aux anciens combattants de la branche de Kyoto, les frères Ohata sont très sérieux. Ils ne manquent aucun entraînement et ne gaspillent pas leur temps. Peut-être pas lors du prochain championnat du Monde, mais je suis sûr qu’ils finiront par laisser leur nom dans l’histoire du Kyokushin. »
Sources : Kyokushin Online et World Karate n° 245 (p. 40-41)